Le Canada, un pays d’avant-garde en recherche néonatale
Une journée de grossesse supplémentaire peut avoir une grande incidence sur la vie d’un fœtus, surtout lorsqu’il existe un risque de naissance prématurée.
Une grossesse dure habituellement 40 semaines, et une naissance avant la 37e semaine est considérée comme prématurée. Or, les naissances prématurées sont la principale cause de décès de nourrissons au Canada, essentiellement parce que les organes vitaux du bébé n’ont pas eu le temps de suffisamment se développer.
« Les bébés prématurés demandent beaucoup de soins », explique le Dr Prakesh Shah, chercheur et pédiatre en chef à l’Hôpital Mount Sinai (Système de santé Sinai, Toronto). « S’ils survivent, ils auront besoin d’un accompagnement médical à long terme pour leur cerveau, leurs poumons et leur cœur, car ces organes ne se sont pas développés comme ils l’auraient fait dans l’utérus. »
Le Dr Shah est l’ancien directeur du Réseau néonatal canadien (RNC), une des trois initiatives majeures financées par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) qui ont permis au Canada de se propulser à l’avant-garde de la recherche néonatale.
Le RNC a été mis sur pied en 1995 pour combler le retard du Canada par rapport aux autres pays développés quant aux taux de survie des bébés prématurés et à la réduction de complications graves, comme les lésions cérébrales, les infections et les maladies pulmonaires. À cette époque, les unités de soins intensifs néonatals (USIN) ne disposaient d’aucun système normalisé permettant de collecter ou de comparer des données, et les résultats cliniques pour les nourrissons prématurés variaient considérablement entre les hôpitaux et les provinces. Grâce au RNC, les USIN des quatre coins du pays peuvent désormais apprendre les unes des autres, améliorer les résultats à l’aide de données en temps réel et établir des normes nationales de soins.
« Chaque année, les 32 USIN du pays se réunissent pour échanger leurs pratiques exemplaires », indique le Dr Shah. Lors de ces réunions, les néonatologistes se demandent par exemple : « Pourquoi vos taux d’infection sont-ils plus bas? Que faites-vous différemment? Quelles méthodes puis-je appliquer au sein de ma propre équipe afin d’améliorer nos résultats? »
Cette approche s’est révélée concluante pour le Canada : entre 2004 et 2017, le taux de survie sans complication majeure des bébés nés entre la 23e et la 32e semaine a fait un bond de 56 % à 70 %. Et cette amélioration n’est pas passée inaperçue. De plus en plus intéressés par le modèle canadien, des réseaux néonatals d’autres pays ont commencé à solliciter les conseils du RNC, poussant le Dr Shah à lancer l’International Network for Evaluating Outcomes of Neonates (Réseau international pour l’évaluation des résultats chez les nouveau-nés, ou iNEO) en 2013. Grâce à l’iNEO, le Canada peut comparer ses résultats avec ceux de 13 autres pays au moyen d’une plateforme de données normalisée.
Or, même si l’iNEO a facilité la collaboration internationale, le Dr Shah constatait encore des lacunes dans le système canadien. En effet, les résultats des naissances prématurées variaient toujours grandement d’une région à l’autre du pays, et ce, malgré les améliorations attribuables au Réseau néonatal canadien. C’est pourquoi, en 2016, il a créé le Canadian Preterm Birth Network (Réseau sur les naissances prématurées du Canada, ou CPTBN). Si le RNC se concentre sur les soins au sein des USIN, le CPTBN examine plutôt les différences entre les hôpitaux et les provinces en matière de soins avant la naissance, durant l’accouchement et après la sortie de l’hôpital, ainsi que l’incidence de ces différences sur la santé des bébés.
Parmi les principaux contributeurs du CPTBN figure le Dr Marc Beltempo, un clinicien-chercheur et néonatologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Ses recherches portent sur la façon dont de petites décisions basées sur des données probantes — concernant par exemple le meilleur moment de clamper le cordon ombilical — peuvent avoir des effets durables sur la santé d’un bébé.
« Nombre de données montrent que le fait d’attendre au moins 30 secondes et, idéalement, une minute avant le clampage améliore les chances de survie des bébés et procure beaucoup d’autres avantages, explique-t-il. Le Canada a été l’un des premiers pays à pouvoir mettre en œuvre cette pratique à grande échelle grâce à son réseau national de diffusion, d’application et d’évaluation des nouvelles données probantes dans des contextes réels. »
Ensemble, le RNC, l’iNEO et le CPTBN ont fait du Canada un pays d’avant-garde en recherche néonatale, notamment au chapitre de l’amélioration de la qualité et de l’innovation dans les systèmes de santé à l’aide de données probantes. Leurs modèles ont été adoptés par d’autres pays et cités dans des rapports internationaux sur les politiques. Le Dr Beltempo attribue d’ailleurs la réussite du Canada à la nature collaborative des réseaux.
« Lorsque je vois ce taux de survie sans complication de 70 %, je vois le fruit de la collaboration entre les USIN, dit-il. Je vois un pays déterminé à améliorer la prise en charge de ces êtres minuscules, nos patients les plus vulnérables, et à les aider à aller mieux de la naissance à la sortie de l’hôpital, mais aussi à long terme. Et lorsque j’assiste à notre congrès en compagnie de quelque 300 autres participants, je vois tous ces gens qui veillent sur les bébés dans les USIN, prêts à discuter d’idées qu’ils mettront en pratique dans leur travail et à collaborer pour apporter des changements. Ce type d’engagement constitue la véritable innovation dans toute cette histoire, et la principale source d’inspiration pour les autres pays. »
En bref
L’enjeu
Chaque année, entre 25 000 et 30 000 bébés naissent prématurément au Canada, soit environ 1 sur 12. Les naissances prématurées sont la principale cause de décès de nourrissons au pays et un important problème de santé publique.
La recherche
Des chercheurs financés par les IRSC ont mis sur pied le Réseau néonatal canadien, l’International Network for Evaluating Outcomes of Neonates et le Canadian Preterm Birth Network afin de normaliser la collecte de données et d’échanger des pratiques exemplaires dans l’ensemble des unités de soins intensifs néonatals. Ces réseaux collaboratifs ont considérablement amélioré les taux de survie et les résultats cliniques des bébés prématurés, permettant au Canada de se propulser à l’avant-garde de la recherche néonatale et de l’amélioration de la qualité.
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